samedi 31 janvier 2015

Le sourire retrouvé de Pavithra

Tous ceux qui sont déjà venus ici vous le diront, nous sommes toujours les bienvenus à Pothnal. Nous avons une chance incroyable... Etre ainsi accueillis chaque année dans les communautés des Capucins et dans les 4 centres Vimukti répartis sur le territoire du Karnataka (Pothnal, Chikkodi, Banakal et Ugire), partager la vie de l'équipe, aller et venir dans les rues de Pothnal sans craindre un seul instant pour notre sécurité, déambuler dans l'ambiance indescriptible du marché chaque jeudi après-midi, faire quelques emplettes dans les magasins de tissus, s'émerveiller de la dextérité du coiffeur, du tailleur ou du menuisier. Avec une simple aiguille et du fil, le coordonnier  redonne vie à des espadrilles qui, chez nous, auraient fini depuis longtemps à la poubelle. Car ici rien ne se perd. Chaque objet peut retrouver un second emploi même s'il faut encore déplorer l'absence de poubelles (pas de ramassage) et la présence des chiens errants partout dans les rues, le long des routes, dans les villes et les villages. Une plaie à nos yeux mais qui participe sans doute à l'équilibre sanitaire d'un pays qui ne dispose que très rarement de toilettes, qui n'a pas de service de nettoiement et qui respecte la vie sous toutes ses formes.


Certes, il faut aussi composer avec l'exiguïté et l'austérité des lieux qui nous accueillent, les coupures d'électricité (plusieurs fois par jour selon de rythmes imprévisibles), la toilette et le lavage à l'eau tiède, un accès Internet très aléatoire, l'inconfort des moyens de transport (bus, rickshaws, vans, jeeps, motos) sur des routes cahoteuses, la chaleur parfois accablante en milieu de journée, les concerts de klaxons, les nuages de poussière sur des chemins parsemés de trous et de bosses, le harcèlement des moustiques (particulièrement à la tombée de la nuit), et bien d'autres choses encore...


Mais par dessus tout et faisant oublier tout le reste, il y a cet accueil si chaleureux de celles et ceux que nous rencontrons, l'excellente cuisine indienne préparée avec amour par Amma, notre mère à tous (les puris, chappatis, rotis, papads, idlis, dosas, perotas, n'ont plus de secrets pour nous), la joie des enfants qui nous interpellent par nos prénoms, le sourire retrouvé de Pavithra, (lourdement handicapée, elle a subi trois grosses opérations du dos en quelques mois), l'accueil des familles pourtant privées de tout (accepter un thé chai ou quelques biscuits suffit souvent à leur bonheur) et le sentiment d'une très grande liberté dans le dénuement. Nous avons  beaucoup à apprendre de ces sociétés qui ne sont pas encore gangrénées par la consommation effrénée qui ronge notre monde occidental. Evidemment tout n'est pas rose non plus: les mariages arrangés, l'infanticide des filles, le sida, la tuberculose, la prostitution, l'alcool, la corruption font encore beaucoup de dégâts, mais c'est ce qui rend notre tâche d'accompagnement du Projet de Pothnal si nécessaire et si enthousiasmante car, après cinq années de présence ici et grâce au travail des membres de l'équipe dans les villages, nous pouvons observer de réels changements... "step by step, slowly", comme on dit ici, mais grâce aux nouvelles générations, nous gagnons peu à peu du terrain sur l'obscurantisme et l'iniquité instaurée par le système des castes, officiellement interdites de discrimination selon l'article 15 de La Constitution indienne mais qui occupent encore une place majeure dans la société contemporaine.


Si, un jour, vous avez envie de faire le pas qui vous conduira ici à Pothnal pour rencontrer votre filleul (le), vous verrez par vous-mêmes la chance que nous avons d'avoir rencontré un pays, des hommes, des femmes et des enfants qui sont aussi une leçon de vie.