samedi 4 mars 2017

Elles m'ont ouvert leur coeur


Pas simple d'être une femme musulmane dans un pays grand comme huit fois la France, où les hindoues sont majoritaires et les vieilles querelles prêtes à jaillir comme le feu sous la braise. Pas simple non plus de porter la burqua lorsque l’on juge que vous êtes forcément victimes du pouvoir patriarcal qui vous tient sous sa coulpe. Chez nous, en France, un pays qui clame haut et fort le droit à la liberté, à l’égalité et à la fraternité, on pense que le fait de se soustraire au regard des hommes dans la sphère publique est une hérésie qu’il faut bannir, fusse au moyen d’un cadre législatif plus ou moins inopérant. Ici, les femmes revendiquent le droit à la différence dans le respect des croyances et des pratiques culturelles qui nous échappent faute d’avoir été nous-mêmes initiés.

J’ai eu la chance  de rencontrer certaines d’entre elles dans le secteur de Chikkodi au Nord-Ouest du Karnataka. Sous l’impulsion du travail de terrain mis en œuvre par Vimukti, elles ont, petit à petit, constitué des groupes de paroles et mis en acte leurs revendications. Elles ont créé des micro-projets financés par des emprunts qu’elles ont contracté auprès des banques, elles se sont ensuite converties à la micro-finance en déposant le fruit leur travail sur des comptes bancaires dont elles ont la totale maîtrise. Burqua ou pas burqua (elles en font un choix personnel), elles revendiquent de prendre la parole, d’être libre de penser et d’agir selon leur bon droit. Ensemble, elles construisent l’Inde de demain. 


Elles se retrouvent chaque semaine au sein des groupes qu’elles ont constitué dans les différents villages du district. Parfois entre femmes d’une même communauté pour régler des questions propres à leur culture où à leur religion, le plus souvent dans des groupes intercommunautaires au sein desquels chacune se reconnaît avant tout comme une femme devant affronter les multiples problèmes posés par l’infanticide, les mariages arrangés dès le plus jeune âge, ou les violences dont elles sont encore trop souvent victimes. Dans leur regard, on sent poindre de la ferveur, de l’envie, une lueur d’espoir. Elles veulent pouvoir choisir la manière de séduire ou d’être séduite, de servir ou de prendre le pouvoir, d'être tout simplement elles-mêmes.

Le féminin de l'être (c'est un homme qui parle!) c'est sans doute une manière intuitive de sentir, d’appréhender les situations et les relations avec infiniment plus de respect, d’amour, de tolérance, de sensibilité que ne le propose notre monde qui met au panthéon des valeurs telles que la compétition, la réussite sociale, et l’argent trop vite gagné. N’est ce pas là que réside la vraie liberté ? Une liberté intérieure, invisible pour ceux qui n’ont pas accès à la part de féminité qui est en eux. Mises en confiance par la présence de mon ami Arun,  le directeur de Vimukti, elles ont ouvert leur cœur face à la caméra. Je ne vous oublierai pas.