samedi 25 mai 2013

En route pour le décollage

Et si le 21ème siècle était celui de l'Inde... 
Dans son livre paru aux Editions Actes Sud, Pavan K.Varma, diplomate et directeur général du Conseil indien des relations culturelles, développe deux idées fortes: nous faire comprendre ce que signifie être indien aujourd'hui ("Being indian" est d'ailleurs le titre original anglais) et de quelle manière ce pays entend exprimer son formidable potentiel. 

Dans l'introduction intitulée "Image ou réalité", il met en évidence les traits dominants et les caractéristiques d'un peuple où richesse et pauvreté, matériel et spirituel, inégalité et démocratie s'entrecroisent dans une écheveau complexe et souvent déroutant pour l'observateur occidental.

Avec la notion de pouvoir, il s'interroge sur le triomphe inattendu de la démocratie qui permet à chacun de grimper dans la hiériarchie sociale en fonction du mérite personnel et des opportunités qui se présentent. "Quand la valeur d'une personne dépend toute entière de la position qu'elle occupe sur l'échelle hiérarchique, l'assertion du statut et sa reconnaissance par les autres revêtent une importance cruciale." Et le maintien (malgré son abolition) du système des castes n'est sans doute pas étranger au respect de la puissance et de l'autorité.

Contrairement à certaines idées reçues, l'auteur explique que les hindous sont orientés vers le bonheur matériel et que rien dans la tradition hindoue ne vient contredire cette consécration de la richesse. "Pratiquer la religion hindoue ne signifie en rien tourner le dos au monde... Aucun évènement important de la vie d'un hindou traditionnel ne peut commencer sans les bénédictions de Ganesha, la divinité bien-aimée à la tête d'éléphant, qui est le dieu de l'abondance matérielle et plus spécialement du succès commercial." Pour les millions de travailleurs des rues, chaque jour représente un nouveau défi et le commerce est le gagne-pain de la plupart des pauvres. La corruption fait partie du système. "Celui qui accepte les pot-de-vin et celui qui les donne sont tous les deux des entrepreneurs unis par la même règle: rien ne doit contrarier une occasion de se faire de l'argent." Dans les périodes d'adversité, lorsque la prospérité semble hors de portée, la croyance que le monde est par essence irréel donne à l'échec la douceur de l'acceptation philosophique.

"J'aime le soir en Inde ce moment magique où le soleil est en équilibre sur l'axe du monde, et le calme se répand, et dix mille fonctionnaires dérivent vers chez eux sur une rivière de bicyclettes, ressassant le coût de la vie et Lord Krishna."
(James Cameron, journaliste écossais qui a bien connu l'Inde avant et après 1947)

Comment les indiens s'accommodent-ils de la pauvreté? Pavan K.Varma donne la réponse: "Il est généralement admis que les gens naissent pour accomplir leur propre destin et qu'ils souffrent et prospèrent conformément à leur karmas (actes de vies précédentes)". Dans l'hindouisme, l'accent est mis sur le salut individuel et l'indien ne cesse jamais de croire que son destin peut basculer un jour grâce à l'intervention divine et au lien direct qu'il a établit avec son dieu.

L'auteur s'interroge aussi sur les dons innés des indiens pour les technologies de l'information et se risque à quelques démonstrations "sur le passé qui explique les succès d'aujourd'hui". Mais, résume-t-il, les indiens ont la réputation d'être d'excellents imitateurs, mais rarement de bons créateurs; et de fait beaucoup d'indiens, notamment dans la recherche, ne se réalisent que lorqu'ils travaillent à l'étranger dans un environnement qui les libèrent. Il aborde enfin la question de l'unité indienne et démontre que les tensions inter-religieuses restent assez marginales, car pour lui, chaque indien a compris que la cohabitation religieuse était indispensable à l'équilibre de l'Inde, "un équilibre crucial pour le décollage".