vendredi 14 juin 2013

Les aveugles et l'éléphant


La plus fameuse histoire qu’on rencontre à chaque pas dès qu’on aborde les territoires de la connaissance, est d’origine indienne. Mais les soufis, puis d’autres traditions, l’ont largement reprise et adaptée. 

Elle se passe dans un village, dont tous les habitants étaient aveugles. Vint à passer, non loin de là, un roi en superbe équipage. Ce roi voyageait à dos d’éléphant, animal inconnu dans cette partie de la terre.
En entendant parler d’une bête nouvelle, apparemment phénoménale, plusieurs aveugles du village se rendirent en délégation auprès du roi et de sa cour. On les autorisa à toucher l’éléphant, qui se laissa faire.
Quand ils retournèrent à leur village, un grand nombre d’aveugles se rassemblèrent autour d’eux et leur demandèrent une description de l’animal extraordinaire.
Le premier aveugle, qui n’avait touché que l’oreille de l’éléphant, dit :
- C’est un animal large et plat, un peu rugueux, comme un vieux tapis.
Le second, qui avait touché la trompe, dit aux autres aveugles :
- C’est long, mobile et creux. Cà a beaucoup de force.
Le troisième aveugle, qui avait touché une patte, dit :
- C’est solide et stable, comme une colonne.
Les habitants du village ne s’estimèrent évidemment pas satisfaits et demandèrent d’autres détails, mais les trois aveugles furent incapables de s’accorder. Le ton de la discussion s’échauffa. Ils en vinrent à se battre à coups de poing, à coups de canne et à se blesser.
Quelques aveugles, plus sages que les autres, suggérèrent qu’on envoya une nouvelle délégation auprès du roi, pour obtenir une description plus complète de sa monture. Pour former la délégation, ce qui prit assez longtemps, on choisit les plus intelligents parmi les aveugles.
Mais lorsque ceux-ci parvinrent à l’endroit où le roi séjournait, celui-ci, ainsi que toute sa suite était déjà parti.

Cette histoire rappelle que la complexité de l'univers rend toute certitude impossible. Puisque nous abordons les choses d'un certain point de vue, nos opinions ne peuvent être que relatives, temporaires ou transitoires. Ceux qui l'ont compris se libèrent des préjugés et des opinions toutes faites. Ils acceptent la multiplicité des croyances sans jamais être esclaves de ces croyances.