mardi 4 juin 2013

Les vaches survivront-elles au progrès?

On les voit partout. Dans les rues des villes et des villages, au milieu des places, en bordure des routes ou sur le terre-plein des autoroutes. Partout elles errent avec assurance et nonchalance, indifférentes au vacarme et au bruit des klaxons, insensibles aux embouteillages qu'elles provoquent parfois.  De grands oiseaux noirs se posent parfois sur leur échine et des mouches par centaines vont et viennent autour d'elles sans qu'elles en soient le moins du monde perturbées.


La vache est considérée comme la mère nourricière du peuple hindou. Selon la légende, Surabhin, la mère de toutes les vaches, figurait parmi les trésors qui apparurent après le barattage de l'océan cosmique. On lui voue un culte particulier et une reconnaissance éternelle car elle symbolise l'abondance et la fertilité. Krishna ne fut-il pas élevé au milieu des chèvres et des vaches? Le cri de la vache, "Mâ," ne signifie-t-il pas la Terre-Mère, la source de nos origines? Ainsi, depuis la nuit des temps, la vache est-elle considérée comme un animal sacré qui ne peut être utilisé lors des sacrifices. Dans la région de Mysore, à l'occasion des fêtes de Diwali, il n'est pas rare d'en voir badigeonnées de peinture jaune avec des cornes rouges ou bleues.

La vache tient une place particulière dans le quotidien des indiens. Dans les campagnes, elle fait partie de la famille qu'elle nourrit et la naissance d'un veau est fêté comme la naissance d'un enfant. Elles mangent peu de végétaux, elles se nourrissent surtout de déchets impropres à la consommation humaine. Dans un pays qui compte plus de 200 millions de vaches (le plus gros cheptel de bovins au monde), elle est à la base de l'alimentation (son lait est utilisé dans de nombreux mets: raïta, lassis, yaourt, ghee, sauces, etc.)  et elle est utilisée comme moyen de trait et de transport dans les champs. Sa bouse, sèchée en gallettes plates, sert de combustible pour la maison ou d'engrais dans l'agriculture traditionnelle. Diluée dans une grande quantité d'eau, elle est étalée sur le sol à l'entrée de l'habitation qu'elle protège de la chaleur et de la poussière. Les populations appartenant aux basses castes vivent souvent de son ramassage. Même son urine sert parfois de remède contre certaines maladies ou est utilisé dans la fabrication de certains cosmétiques.

Dans un monde qui change, où l'Inde abandonne peu à peu le régime végétarien pour une alimentation à base de protéines animales (laitage, oeufs, viande), une véritable sélection s'opère. Les vaches les moins productives, stériles ou malades, sont abandonnées (histoire de ne pas les tuer). Et si elles n'ont pas la chance d'être recueillies par des refuges à dimension mystique, elles finissent leur vie, faméliques, dans l'indifférence générale, heurtées par une voiture, ou embarquées vers les abattoirs clandestins où elles seront dépecées et découpées pour en garder le cuir. Survivront-elles au progrès?