vendredi 31 mars 2017

Le prix de la liberté

Inspiré d'un fait divers qui s'est déroulé en Belgique en 2007, le film "Noces" du réalisateur Stephan Steker, nous plonge au coeur d'une situation que rencontre des millions de femmes partout dans le monde: le mariage arrangé au nom d'une tradition séculaire à laquelle nul ne doit déroger sous peine de perdre la face et tout contact avec les siens.


Zahira, 18 ans, la deuxième fille d'une famille Pakistanaise musulmane établie en Belgique et parfaitement intégrée, se rend chaque jour au Lycée où elle a de nombreux amis. Comme beaucoup de jeunes filles de son époque, elle sort parfois en boîte (à l'insu de ses parents), elle couche avec son mec, et partage ses hésitations avec sa meilleure amie. Elle tombe enceinte de Tariq, un jeune Pakistanais comme elle, qui ne veut pas entendre parler de bébé et qui lui demande d'avorter. Zahira, un peu perdue malgré le soutien de son frère aîné Amir, finit par renoncer à l'avortement et cache cette décision à son entourage. Comme il est de tradition dans la famille, elle va devoir choisir son futur mari sur Internet. Trois hommes au profil différent lui sont proposés par ses parents via Skype (obligatoirement un Pakistanais comme elle et vivant au Pakistan). Si elle refuse, la honte et le déshonneur s'abattront sur toute la famille, son père ne pourra plus retourner au Pakistan, sa plus jeune soeur ne pourra jamais se marier... autant d'objections qui viennent contrarier son désir de liberté. Déboussolée par les pressions et les chantages affectifs dont elle est l'objet, elle résiste par tous les moyens dans l'espoir de remettre à plus tard un mariage dont elle ne veut pas et auquel elle n'est pas préparée. "Evidemment que c'est injuste, on est des femmes, qu'est-ce que tu crois?" lui balance sa soeur ainée qui semble fière de s'être pliée de bonne grâce à cette tradition. Sous la contrainte, Zahia finit  par accepter un mariage arrangé avec un jeune Pakistanais tombé amoureux d'elle à l'autre bout du monde sur simple photo, avec à la clé une dot de 1 million de roupies quand même (30.000 € environ). Après une parodie de cérémonie célébrée par webcam interposée, elle découvre qu'elle va devoir rejoindre son mari et sa belle-famille pour les festivités prévues à Islamabad. Persistant dans son refus et grâce à son amie complice, elle va mettre un terme à sa grossesse et se rapprocher de son petit ami Belge qui représente à ses yeux tout ce à quoi elle n'a pas droit et, au premier chef, la liberté d'aimer. Zahira ne semble pas croire que tout cela soit vraiment la réalité et pense qu'elle peut s'en abstraire, fût-ce au prix d'une séparation momentanée avec les membres de sa famille. Je vous laisse deviner la fin tragique de cette histoire bouleversante qui résonne profondément en moi car elle concerne aussi beaucoup de mes jeunes amies indiennes.

Le réalisateur donne à voir toute la complexité des choix qui traversent tous les protagonistes sans vraiment chercher à juger. Respectueux de tous, Il expose, avec beaucoup de justesse, les tiraillements des ces jeunes pris en tenaille entre leur éducation occidentale et les traditions d'un autre temps. Sa mise en scène est fluide et portée par le jeu extraordinaire des acteurs (mention toute particulière à la lumineuse Lina El Arabi). Le film a obtenu de nombreux prix mérités dans les festivals. S'il est programmé près de chez vous, n'hésitez pas à abandonner votre télé pour deux heures de beau et grand cinéma.