mercredi 7 août 2013

Routes indiennes

Routes à l'infini : infinités d'arrêts et de départs, déviations continuelles au gré de l'Inde. Déviations de ces âmes errantes, bitumes cassés, éventrés, concassés. Ruines du soleil, chemins dégradés, lézardes, trous, nids de poules, mort des essieux, plaintes de la ferraille, gémissements et pertes chaotiques, dérive des moussons, provocation des failles, excavations, éboulis de ponts, éventrations, chutes et glissements - flots - ondes - déluges des moussons qui broient, qui soulèvent, ravagent, noient: submersion. Routes de l'Inde, vous souffrez et vous geignez. Vous faites mourir et vous prenez. Vous êtes les cicatrices de cette Inde moderne, à jamais ouvertes, à toujours colmater. La terre nourricière est souterraine, sous- jacente : elle fait toujours surface sous les coups renouvelés, pour mieux mettre à jour la matrice, qu'il faudra à nouveau couvrir. Routes de l'Inde, vous êtes faites et ravagées de sillons, sarclées par des camions qui surchauffent, craquèlent, balafrent et mutilent jusqu'à faire surgir cette gangue première qu'il faudra encore et encore aplanir. Dizaines de kilomètres parcourus, routes indiennes, vous profilez tous les horizons, vous annoncez les cités repues, les mégapoles qui implosent, vous amenez à la connaissance, accalmie des ruelles, des venelles, chemins vicinaux et pistes altérées, jusqu'aux sentiers pacifiés aux portes des villages...


(Extrait du très beau livre de Gérard Clot "L'Inde au corps" (Editions Accarias L'originel, 2008)