jeudi 27 mars 2014

Mariage hindou

C'est aujourd'hui Dimanche. Je sillonne la campagne sur mon scooter flambant neuf. Dans le petit village d'Utakanoor, mon attention est attirée par un attroupement. Au martèlement tout proche des forgerons se mêle le tambourinement des musiciens assis sur un banc de la maison voisine. Je m'approche discrètement, l'appareil photo dans le creux de la main. Je me fraie un passage au milieu des badauds qui m'encouragent à m'approcher davantage. Je découvre une jeune homme et une jeune fille assis en demi lotus, l'air grave. Ils ont à peine plus de 18 ans, mais pour eux c'est le grand jour, celui qui scelle irrévocablement leur union.

La cérémonie du mariage fait partie des traditions ancestrales de la culture indienne. C'est au père que revient la responsabilité de marier ses enfants mais c'est avant tout l'alliance de deux familles qui s'arrogent le droit d'unir les conjoints qu'ils ont choisis en fonction de la caste et des intérêts les mieux partagés. Après avoir vérifié au préalable que la carte du ciel permet la compatibilité des époux, la date et l'heure de la cérémonie sont fixées en fonction des astres. La virginité est pour la jeune épouse une condition impérative. La célébration des noces est pour la famille l'occasion de rassembler sa caste et d'affirmer sa valeur. Du montant de la dot fournie par la famille de la mariée dépendra le mariage arrangé. Plus la famille du mari est influente dans la caste, plus le métier du mari est élevé dans l'échelle sociale, plus la dot demandée sera importante. Elle se paie le plus généralement en cadeaux de toutes sortes. De quelques milliers de roupies pour les basses castes, elle peut atteindre des millions de roupies chez les riches. Et l'amour dans tout cela? Il n'est pas nécessaire d'être amoureux. Dans la tradition hindoue, l'on considère que celui-ci se développera naturellement tout au long de la vie de couple et se renforcera avec les années.


Le mariage hindou suit un rituel sacré qui est dicté par les Védas, qui constituent la base de la philosophie hindoue. C'est un rituel du don dans lequel le père offre sa fille comme un présent à une autre famille. L'homme est vêtu d'une kurta blanche tandis que la femme porte généralement un sari rouge et des bijoux traditionnels. La mariée arrive accompagnée de sa famille et de sa soeur. Le futur époux offre une bague en or au frère de la future mariée qui l'accompagne jusqu'au lieu de la cérémonie. L'union des époux est scellée par le prêtre tandis que les invités lancent des fleurs sur les mariés. Le marié met ensuite autour du cour de la mariée le collier jaune orné de deux pièces d'or représentant la prospérité de la famille avant d'apposer un point rouge sur le front de son épouse. L'échange de colliers de fleurs introduit le rituel au cours duquel les jeunes mariés tournent 7 fois autour d'un feu sacré en invoquant les dieux pour qu'ils bénissent leur couple et leur accordent prospérité et vie heureuse. Puis le mari passe la bague autour de l'orteil de la mariée qui fait de même à son tour. Les deux bagues sont alors plongées dans un récipient que les mariés doivent aller rechercher en plongeant leurs mains dans l'eau bénite. Les mariés se prosternent  au pied du prêtre et des parents. Les invités défilent en ligne indienne en lançant des poignées de riz sur les époux. Le marié reçoit les cadeaux qu'il remet discrètement à une personne postée derrière lui. C'est par un repas, auquel sont conviés les habitants du village, que s'achève la cérémonie.


Après le mariage, la jeune épouse quitte la maison familiale pour s'établir dans celle de son mari et se soumettre au diktat de sa belle-mère, souvent autoritaire, voire abusive. On attend d'elle qu'elle donne en priorité un fils à la famille. Si elle ne peut donner naissance à des enfants ou si sa famille ne peut honorer la dot, son conjoint pourra se remarier avec le plein assentiment de la communauté. Elle retournera vivre chez ses parents, à condition qu'elle échappe au crime, souvent déguisé en suicide afin de passer entre les mailles de la justice.