mercredi 1 juin 2016

Un vent de liberté



Elles sont quatre. Quatre femmes d'un petit village de l'Etat du Gujarat, proche du Rajasthan, qui subissent le pouvoir des hommes et des traditions ancestrales qui les asservissent. Rani, une jeune veuve, n'a plus droit de porter des vêtements de couleur et tout contact physique lui est désormais interdit. Elle consacre ses maigres économies à payer la dot de son fils ingrat qui ne veut pas de ce mariage qu'on lui impose. En face de lui, Janaki, une gamine de 15 ans, est priée de se mettre à son service sitôt le mariage consommé. Lajjo, la voisine de Rani, cache sous ses éclatantes tenues les blessures et les coups portés par son mari alcoolique. Quand à Biji, elle fait partie de ses danseuses prostituées qui ne doivent leur salut qu'à leur corps qu'elles vendent aux hommes qui les convoitent. Quatre archétypes qui sont un condensé des formes d'oppression dont sont encore victimes beaucoup de femmes en Inde. 

Portées par une amitié d'enfance et une soif d'assouvir des désirs féminins profonds, elles vont s'opposer aux hommes brutaux qui les maltraitent, qui les considèrent comme des objets sexuels à leur service et qui les maintiennent dans des situations de violence et d'asservissement. Ici et là, quelques portraits d'hommes plus positifs laissent entrevoir un autre monde possible. Mais pour conquérir cette liberté, que de combats!, que de souffrances!, que d'humiliations!. Ces femmes volontaires et courageuses, assoiffées (le titre original "Parched" signifie "Assoiffé") de sexe, d'amour, de liberté, de vie, irradient de beauté. Quelles que soient leur condition, elles portent la lumière en elles et elles restent d'un optimisme à toute épreuve comme nous l'avons souvent constaté au cours de nos voyages. Vivre son karma est au coeur de l'hindouisme.

Il fallait le talent d'une femme (la réalisatrice Leena Yadav en est à son 3ème long-métrage) pour parler de la condition féminine avec ce qu'il faut de force et de douceur pour ne pas tomber dans le pathos ou la caricature. Elle nous livre une ode magnifique et courageuse, en marge du cinéma bollywoodien, en faveur de l'émancipation des femmes. Comme le dit Rani, courtisée par un homme au téléphone, alors qu'elle arrive avec ses amies en fuite à la croisée des chemins: "Maintenant, c'est le coeur qui me guide". Un rêve encore lointain pour nombre de jeunes filles que nous connaissons et dont nous observons, impuissants, la cruelle destinée.