mercredi 25 mars 2015

Un journée comme les autres

Les premières lueurs du jour filtrent à travers les oeillets des volets et je me réveille doucement. Il est 6h du matin à Pothnal. La musique made in Bollywood qui parvient à mes oreilles est le signe que Mamatha est déjà en train de préparer le repas du matin. J'écarte le filet bleu suspendu au-dessus de ma tête qui protège des moustiques pendant la nuit. J'allume une bougie et ranime le bâton d'encens avant de rejoindre Mamatha à la cuisine. Elle est en train de faire des chapatis. Je saisis la poêle à pleines mains, je secoue la pâte en train de cuire, la retourne dans les airs et la rattrape in extremis devant mon hôte ébahie. "C'est comme cela que nous faisons les crêpes en Bretagne", lui dis-je. Et me voilà parti pour en préparer deux, puis trois, puis quatre avant que Mamatha ne reprenne les choses en main à sa manière, ajoutant quelques gouttes d'huile ici et là sur la pâte qui file entre ses doigts.


Le moment est venu de s'asseoir à la table garnie de chapatis, d'oeufs au plat, de riz masala et bien sûr du tea chaï (thé noir infusé dans du lait sucré avec de la cardamone et du clou de girofleet du black coffee, sans un nuage de lait. Avec amis nous discutons déjà du programme du jour ou des évènements survenus dans la nuit, comme cet enfant arrivé en criant dans les bras de son papa car il venait d'être mordu par un scorpion…

Entre deux coupures d'électricité, je me hâte de prendre une douche chaude. Avec mon ordinateur portable, je tente la connexion au réseau wifi afin de prendre connaissance des messages arrivés dans la nuit, décalage horaire oblige. L'occasion aussi de prendre quelques nouvelles de France et du monde via Internet. Et si l'inspiration est au rendez-vous, je commence la rédaction d'un article qui sera posté plus tard sur le blog. Je passe la balayette dans les parties communes et je savonne les chemises sur l'énorme bloc de pierre, à la façon de nos grand-mères.

10h: Satish, le directeur du projet, m'invite à participer à la réunion d'équipe quotidienne. Un paperboard, quelques chaises posées en cercle sur une grande toile jaune, voilà pour le décor. les membres de l'équipe font le point sur les activités en cours, les projets à venir ou le bilan d'une action réalisée. Cet échange se fait en kannada (la langue officielle du Karnataka) mais, à intervalles réguliers, Satish résume en anglais le contenu des échanges et sollicite parfois un avis.


Le scooter et la moto sont les moyens de transport le plus rapides pour se rendre dans les villages avoisinants. Selon les priorités du jour, nous pouvons rencontrer des enfants parrainés et leurs famille, participer à un rassemblement organisé par l'équipe de Vimukti (réunion d'information, remises de diplômes etc.) ou plus simplement aller à la rencontre des gens: de là naissent parfois des rencontres improbables et imprévisibles qui se nourrissent de l'échange dans l'instant présent. Jeenur, Dothrabandi, Tadakal, Uttakanoor, Belwata, Markumdini, Karabbdini, Devipura, Muddamguddi, Erlagaddi, Nalgamdinni, tous ces villages me sont devenus familiers. Le long des chemins étroits et cahoteux, il faut parfois s'arrêter pour laisser passer un camion ou un bus qui traînent derrière eux un nuage de poussière.

Au retour, la table est déjà servie. La maman de Jaysheela, préposée à la cuisine pendant toute la durée de notre séjour, a préparé des mets à base de riz, de poulet, qui sentent bon le curry, les petits oignons roses ou le gingembre.

Quand le soleil est au zénith et que la chaleur devient insupportable, je m'allonge un long moment et tombe parfois dans les bras de Morphée. Au réveil, je prends la direction du centre du village, là où se croisent les bus, les camions, les voitures, les tracteurs, les rickshaws, les motos, les scooters, les charrettes, les carrioles, les vélos, et bien sûr les badauds dans un capharnaüm indescriptible qui témoigne de l'activité ininterrompue qui règne à cet endroit. Je m'attarde devant l'étal du tailleur, du menuisier, je prends le temps d'observer leur travail et d'échanger quelques mots avec eux. Selon les circonstances, je m'assois dans le fauteuil du barbier qui taille le poil ras avant d'effectuer un massage de la tête et des épaules pour moins de 50 centimes d'euros. Parfois je reviens les bras chargés de sweets (douceurs), de vêtements pour les enfants ou de saris pour les mamans comme autant de cadeaux que j'offrirai lors d'une prochaine visite. En cours de route, des enfants qui reviennent de l'école me saluent comme l'un des leurs. Hello Daniel!


En fin d'après-midi, je poursuis la discussion avec Mallama sur sa nouvelle vie d'étudiante à Sindhanur, je donne une leçon de conduite du scooter à Jacintha ou Divya, je montre les photos de la veille à Jaysheela, Arrogyapa, Amaresh ou Charli, je prends le thé avec Sister Nirmala dans le pensionnat qui jouxte l'école de Sneha Jothi School, je joue avec les enfants avant qu'il ne reprennent leurs devoirs. Et si le temps me le permet encore, je peaufine le tableau Excel qui rassemble les informations collectées sur les familles des enfants parrainés. Parfois aussi des femmes viennent implorer l'aide de Satish à cause d'un mari violent ou parce qu'une jeune fille mineure est tombée enceinte après avoir eu des rapports non consentis avec un inconnu.

Au coucher du soleil, en prélude au dîner,  je discute avec mes amis mais sitôt le repas terminé, je rejoins la chambre pour un repos bien mérité.